S'il fallait représenter ce qui est difficilement représentable, cela ressemblerait à cette image (dont je ne parviens pas à retrouver la source et l'auteur).
Il nous est plus aisé de représenter le corps physique dont les structures, les canaux, les organes sont visibles. On sait tout ce qui y circule et comment cela s'organise (la plupart du temps).
S'agissant des circulations subtiles c'est plus compliqué : pas de microscope, de radiographie ou autre imagerie scientifique pouvant cartographier ce qui n'est pas visible à l'œil ou au scalpel.
Lorsqu'on s'intéresse au Yoga, à l'Ayurveda ou encore lorsqu'on va voir un acupuncteur, on accepte l'idée qu'il existe d'autres circuits, une autre anatomie moins connue dans nos cultures et qui pourtant véhicule l'essentiel : l'énergie vitale.
Dans le langage des Yogis et en Ayurveda, on nomme cette énergie vitale Prāṇa.
Les corps et les enveloppes selon les textes indiens
Nous arrivons sur Terre intégrés dans un corps de chair unique composé des 5 éléments fondamentaux possédant des facultés d'interaction avec le monde qui l'entoure. Nous expérimentons ainsi la vie humaine à travers les expériences sensitives, exprimons notre vitalité et notre créativité, intégrons tout cela au niveau mental et émotionnel, développons notre psyché, comprenons le sens profond de notre existence individuelle au sein de l'existence universelle et là, c'est le kiff (Ānanda : Joie profonde).
C'est la dissolution du soi (individu) au sein du grand Soi, Atman ou Purusha. Nous ne faisons plus qu'un avec la cause première de toute vie : Īśvara, Brahman, l'Absolu, le Grand Tout, Dieu ou toute autre appellation pour nommer ce que l'on ne peut nommer car au-delà de tout concept humain.
NB : Les personnes familières du Samkhya auront reconnu la tentative, sans doute malhabile, de résumer cette passionnante cosmologie sous-tendant le Yoga et l'Ayurveda et qui nécessiterait plusieurs articles (que ne saurai d'ailleurs écrire aujourd'hui :-D…)
Le hic dans cette expérience, c'est qu'il nous arrive de souffrir de notre condition humaine, de nous perdre en chemin et de prendre pour soi (permanent) ce qui n'est pas réellement soi (impermanent). Par exemple : je crois que je suis mon corps, je pense être mes pensées ou mes actes, je peux même être persuadé.e d'être un.e prof de yoga. Ainsi, je suis en peine lorsque mon corps change, je souffre de mes psalmodies intérieures, je remets en question ma personne si un.e élève est mécontent.e... et je peux ainsi passer une belle tranche de vie à me croire ce que je ne suis pas…
Toutes ces croyances entretiennent avidyā, l'ignorance, la méprise, comme des voiles recouvrant la réalité au plus profond de notre être : ce qui n'est pas soumis au changement, l'Atman, notre nature déconditionnée.
L’Atman, le SOI, est comme une lanterne ne s’éteignant jamais, cachée sous les voiles de l’ignorance et qu’il nous appartient de dévoiler, couche après couche, enveloppe après enveloppe au cours de notre existence incarnée.
Les textes indiens font état de 5 enveloppes, les koshas, constituant l'être humain :
- Annamayakośa = enveloppe de nourriture, comprenant les 5 éléments grossiers
- Prāṇamayakośa = enveloppe de vitalité, comprenant les 5 souffles vitaux (vāyus)
- Manomayakośa = enveloppe mentale, comprenant les pensées, les émotions
- Vijñānamayakośa = enveloppe d’intelligence, de connaissance discernante
- Ānandamayakośa = enveloppe de félicité, de béatitude, Joie profonde
Notre corps grossier comprend Annamayakośa, notre corps subtil comprend Prāṇamayakośa, Manomayakośa et Vijñānamayakośa et notre corps causal comprend Ānandamayakośa.
Pour nous aider à la compréhension, les textes indiens listent et classent, subdivisent et dénombrent.
Mais tâchons de ne pas considérer ces koshas, ces enveloppes, comme séparées les unes des autres tel l'oignon ou la matriochka. La distinction est intellectuelle mais le réel est tout en fondu-enchainé, entre-mêlé et en interdépendance. Les plans de notre être, les corps, font tous partie d'une réalité mais à des niveaux de subtilité différents. Ainsi, une pensée est réelle et tangible même si je ne peux l'observer visuellement. Sa nature est si subtile que je ne peux pas la palper mais elle est tout aussi manifestée que mon bras gauche.
Il en va de même pour les désormais-très-connus chakras. Bien que non-visibles si on dissèque un corps humain, ils n'en restent pas moins existants sur le plan de Prāṇamayakośa. Ils agissent principalement sur les 3 koshas du corps subtil et on les atteint plus par l'esprit que par le corps. Cependant, leur bon fonctionnement finit forcément par avoir une influence sur l'enveloppe physique par effet d'entrelacements des différents corps. On dit que tout existe en premier lieu au niveau subtil pour se densifier ensuite dans la matière.
Marmani, entre corps physique et corps subtil
Les points MARMA font également partie de cette anatomie subtile et non visible.
"Marma" signifie sensible, vulnérable ou encore secret. Au pluriel on parle alors de marmani.
Les points marma sont des points ou des zones énergétiques relevant de Prāṇamayakośa mais on peut y accéder par le corps physique. Ils sont à l’Ayurveda ce que sont les points d’acupuncture à la médecine chinoise, des jonctions où l’énergie circule et sur lesquelles on peut avoir une action.
Au Vè siècle avant notre ère, le chirurgien ayurvédique Sushruta décrit la composition du corps comme suit :
- 7 épaisseurs de peau
- 300 os (avec cartilages et dents)
- 210 articulations
- 900 ligaments
- 500 muscles
- 16 tendons principaux
- 700 vaisseaux sanguins et nerfs
- 107 marmas
Ils sont identifiables au même titre que nos muscles ou autre partie tangible du corps et donnent accès à l’énergie qui y circule, distribuant le prana en provenance des chakras et les nadis dans le corps et les tissus. Ils assurent l’interface entre le corps physique et le corps subtil.
Ils agissent ainsi comme des "interrupteurs praniques" établissant ou rétablissant le dialogue subtil entre le corps, l'esprit et les émotions.
Marma Chikitsa ou Marmathérapie
La thérapie par les marmani, Marma Chikitsa, faisait partie intégrante de l’apprentissage et des techniques de combat des guerriers indiens.
Le Kalarippayatt ainsi que le Varmakalai (littéralement « art des points vitaux ») sont des arts martiaux originaire du sud de l’Inde utilisant les points marma pour attaquer, affaiblir mais aussi préparer et réparer les guerriers.
Les maitres de Kalarippayat étaient ainsi tout autant des combattants aguerris que des thérapeutes très au fait des techniques de guérison par les marmani.
Grâce à l’état des points marma, il est possible d'évaluer la santé des dhatus (les tissus), l’équilibre ou déséquilibre des doshas et la manière dont prana circule.
De nombreux traitements peuvent être utilisés pour agir sur les points marma et l'accès se fait souvent par le corps lors de massages. Le principe étant de rétablir ou optimiser la circulation de prana (l'énergie vitale) ou encore, lorsque c'est nécessaire, augmenter ou interrompre le flux dans une région précise.
Le thérapeute peut adopter plusieurs techniques selon les besoins de la personne et les formations qu'il aura reçues :
- Pression (intensité, pression circulaire, sens horaire, anti horaire, acupression…)
- Température (chaleur ou froid)
- Aiguilles
- « Kashayas », décoctions de plantes médicinales
- Huiles essentielles, chromothérapie, lithothérapie
- Prathyahara et méditation
- Mantra thérapie
Soin Marma harmonisant
Il m'est arrivé de recevoir un massage abhyanga "spécial marma" et de souffrir des pressions insistantes du thérapeute sur les points, je n'en ai pas gardé un souvenir très agréable… "Just relax, almost finish, relax, relax" m'intimait-il, mais le corps raidi, je ne faisais qu'appréhender le point suivant, pas très relaxant :-D
Les points marma étant par définition des points vulnérables et sensibles, leur toucher se fait tout en douceur. C'est cette approche thérapeutique qui me semble la plus adaptée et à laquelle j'ai été formée.
Imaginons chaque point comme une porte d'accès à notre monde intérieur corporel et subtil. Nous pouvons y sentir pulser le flux vital, prana, parfois de manière manifeste, parfois plus discrètement. Y poser un doigt ou la main nous met au contact de ce flux et influence sa circulation. A certains endroits, elle peut se trouver entravée bloquant la vitalité et son expression dans les tissus et les canaux, des plus manifestés aux plus subtils.
Là où l'énergie vitale ne circule plus ou circule moins bien, on retrouve des maux du corps ou de l'esprit.
Et lorsque la juste circulation est rétablie en nous, un grand apaisement accompagne cette harmonisation, chaque système est à la fois revigoré et profondément relaxé.
Lorsque prana circule de manière optimale, la vitalité s'exprime librement, la capacité du corps à s'auto-réguler se trouve restaurée, le mental est capable de discernement et la créativité naturelle et unique de chacun.e coule à nouveau de source. Nous sommes alors naturellement relié.e.s, à nous même et au Monde.
En savoir plus sur le soin marma harmonisant et prendre RDV ?
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