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Précieux Apāna


 

Prāṇa, l'Énergie Vitale Universelle, pénètre en nous via le souffle bien sûr mais pas uniquement. Les aliments que nous ingérons en sont également chargés, ainsi que tout ce qui parvient à nos sens. Prana se "spécialise" alors selon les fonctions que l'énergie revêt. 

Prāṇa est véhiculée dans notre enveloppe énergétique et circule en nous, animant notre Être de vie, reliant notre corps et nos sens à notre esprit, notre conscience.

Cette énergie vitale transite en nous via 5 modalités permettant aux mouvements de vie d'œuvrer tant sur le plan physique que les plans plus subtils.

 

Prāṇa vāyu, c'est la modalité de réception de l'énergie vitale.

Apāna vāyu, c'est le souffle vers le bas chargé de l'élimination.

Samāna vāyu, c'est le souffle d'assimilation rassemblant au centre.

Vyāna vāyu, c'est la modalité de diffusion et de circulation.

Udāna vāyu, c'est le souffle d'expression vers le haut. 


Du balai !


Apāna signifie "l'air qui s'en va, qui descend".

Ce sont toutes les impulsions accompagnant les éliminations par le bas : urines, selles, menstrues, pertes, éjaculation, accouchement, gaz. L'Ayurveda stipule qu'il est essentiel pour une bonne santé de ne pas réprimer les 13 envies naturelles dont une grande partie sont mues par Apāna vāyu.

Ne pas retenir ce qui est voué à partir…

 

Par extension, on associe également Apāna au souffle d'expiration. J'évoque souvent en cours les "expirations-soupirs" qui libèrent et soulagent instantanément le corps et l'esprit des tensions. Rechaka (l'expiration consciente) accompagne la décontraction nécessaire au bon fonctionnement de l'élimination.

  

Les 5 vāyu sont aussi les sous-doshas de Vāta, le dosha constitué d'Air et d'Espace. Le siège de Vāta se situe dans le côlon et les membres inférieurs. C'est également la zone de fonctionnement d'Apāna qui régit les mouvements du système urinaire, du système reproducteur, les absorptions et les évacuations au niveau du côlon. Lorsque Vāta est en déséquilibre, Apāna l'est aussi et vice versa. Il n'est donc pas exagéré de dire que prendre soin d'Apāna apaise Vāta. C'est le sous-dosha dont on s'occupera en priorité pour traiter les déséquilibres Vāta.

 

Toutes les fonctions énergétiques sont indissociables, elles se complètent.

Elles garantissent l'équilibre de l'Être et leur balai incessant assure la Vie et toutes ses fonctions mobiles en nous. La pratique de Yoga permet d'équilibrer les 5 vāyu (souffles vitaux) et leur libre circulation. Mais s'il est une paire à laquelle on doit prêter une attention particulière, c'est bien Prāṇa vāyu et Apāna vāyu : la réception et l'élimination. On ne peut bien recevoir que lorsqu'il y a de l'espace et c'est précisément ce qui manque lorsqu'on n'élimine pas… Cette évidence ne touchant pas seulement la sphère du corps : le cœur gros, je ne peux pas donner ni recevoir de l'amour, le mental en surchauffe, il est difficile d'avoir de l'inspiration, je ne peux pas avoir des idées claires et neuves.

Et le serpent se mord la queue… Car privé d'Énergie vitale "fraîche", l'Être fonctionne en vase clos.

 

Alors qu'une voie dégagée et libre (ou du moins non obstruée par l'immobilisme) permet à tous les autres vāyu d'assurer leurs fonctions : recevoir, assimiler, circuler et exprimer. 

 


Prendre soin d'Apāna


Par les postures venant comprimer l'abdomen, ou bien dans son ensemble ou bien alternativement le côté droit en premier (côlon ascendant) puis le côté gauche ensuite (côlon descendant). Ces compressions puis relâchement vont venir stimuler le mouvement et activer Apāna.

Une respiration ample mobilisant l'abdomen va favoriser le massage profond des viscères et la (re)mise en mouvement.

On pourra alterner les postures de compression avec des postures favorisant l'installation d'espace dans les flancs : étirements latéraux, inclinaisons, triangles… Porter alors son attention sur ce qui s'ouvre, se laisse étirer, pour accueillir la possibilité d'un mouvement dans cet espace moins comprimé.

Bien sûr, les inversions auront une place importante dans la stimulation d'Apāna. Elles vont permettre de libérer les stases et les excès de gaz. Une respiration profonde, ventre souple et mobile, permettra de favoriser les bienfaits de l'inversion. 

Apāna mudrā est de mise : en rejoignant, dans les deux mains, les extrémités du majeur et de l'annulaire avec celle du pouce et laissant l'index et l'auriculaire étendus. Cette mudra favorise la fonction d'élimination, on peut la pratiquer seule entre 5 et 45 mn ou bien l'installer dans certaines postures tenues quelques minutes.

 

La fonction Apāna est reliée également aux deux premiers chakras Mūlādhāra (chakra racine) et Svādhiṣṭhāna (chakra sacré). Le premier étant relié à l'élément Terre et la couleur rouge, le second à l'élément Eau et la couleur orange. Il est intéressant de noter que ces deux éléments, la Terre et l'Eau sont les éléments les plus manifestés, ceux qui évoquent la matière et qu'un bon équilibre, une bonne répartition entre ce qui est le plus solide et le plus liquide peut permettre une assimilation et une évacuation des matières hors du corps.

 

Solliciter le plancher pelvien et la zone abdominale via la pratique yoguique va aussi contribuer au maintien des fonctions Apāna. On va pouvoir ainsi placer mūla bandha, la contraction et remontée du périnée accompagnée par le souffle en posture, ou encore ashvini  mudrā, engageant le sphincter anal, ou bien vajroli mudrā, sollicitant le sphincter de l'urètre. Uḍḍiyāna bandha, la remontée de l'abdomen, pourra aussi être précieux pour stimuler l'élimination. Ces pratiques avancées nécessitent un guidage précis et de l'entrainement pour bien ressentir et percevoir les nuances, on ne s'y aventure en général pas seul.e.

 

NB : Pour en savoir plus sur mūla bandha notamment, n'hésitez pas à lire et approfondir le sujet via l'article très complet de Michèle Lefèvre sur le blog Yogamrita. Vous y trouverez aussi en lien des articles sur les bandha et les mudrā cités.   

 

 

Pour stimuler Apāna avec les pratiques de prānāyāma, on choisira de privilégier les expirations dans l'allongement en installant progressivement des pauses poumons "vides" après les expirs.

On pourra aussi porter son attention sur la mobilisation souple et vivante de l'abdomen en respiration basse et/ou complète, c'est à dire engageant tour à tour abdomen, cotes et clavicules.

Souffler par la bouche peut aussi s'avérer très efficace pour libérer les tensions et se détendre…


et pas que...


On pense bien évidemment à tout ce qu'il y a à éliminer sur le plan du corps mais plus largement, nous accumulons beaucoup de toxines mentales et émotionnelles qu'Apāna vāyu est aussi chargé d'évacuer d'une manière ou d'une autre. 

Cultiver le lâcher-prise va grandement aider à cela car tout ce que l'on souhaite garder en soi, tout ce à quoi on s'accroche, fait obstruction à l'énergie de libération.

Très bon exercice : un grand tri pour vous débarrasser de ces vêtements que vous ne mettez plus depuis 3 saisons, ou ces livres lu et relus qui encombrent l'étagère… Car il faut bien amorcer le mouvement quelque part, parfois celui-ci est un moyen. Il permet également de se libérer de l'attachement, de (se) faire de la place, d'accueillir l'espace retrouvé et ce, bien au delà des armoires. 

 

 

Libérer ce dont nous n'avons plus besoin,

relâcher et laisser partir ce qui obstrue,

pour accueillir pleinement l'espace nécessaire à l'expression du Vivant.

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