En deux ou trois coups de vents, l'été s'en est allé… Le soleil discrètement se couche un peu plus tôt chaque jour laissant place aux nuits qui s'allongent. Les oiseaux se taisent et se cachent tandis que d'autres préparent leur long voyage vers les contrées plus chaudes.
"L'automne, l'automne merveilleux, mêlait son or et sa pourpre aux dernières verdures restées vives, comme si des gouttes de soleil fondu avaient coulé du ciel dans l'épaisseur des bois."
Guy de Maupassant (1883, "Contes de la bécasse")
Derniers feux d'artifices avant le grand dépouillement…
La fin de l'été, dans sa générosité contagieuse, nous gâte de légumes divers et de fruits bien mûrs. Récoltons ce qui reste de la saison dorée et accueillons les derniers rayons comme pris au piège dans les feuilles tombantes ! Car c'est un autre spectacle qui se prépare déjà : les jaunes, les rouges et les oranges créent désormais certains des plus beaux tableaux de l'année. Je ne me lasse pas de ces variations qui chaque automne m'enchantent !
Et pourtant longtemps l'automne m'a angoissée. Sans pouvoir clairement identifier ce qui m'arrivait, je notai à chaque rentrée d'octobre une mélancholie teintée de nostalgie m'assaillir sans que je ne puisse rien y faire. Et chemin faisant au fil des années, je me suis mise à apprivoiser ces variations d'humeur et de couleurs qui semblaient aller de pair, pour finalement les aimer et n'en retenir désormais que la beauté de ce qui change et se transforme. C'est bien de cela qu'il s'agit en automne : le maitre mot est le CHANGEMENT.
Notre nature profonde est reliée la la Nature ; vivre en accord avec cette Nature et tout ce qu'il s'y passe est la clé d'une vie harmonieuse.
Bien souvent, nous nous surprenons à lutter contre ce qui est et surtout contre ce qui change. Cela s'apparenterait à vouloir retenir entre ses deux mains une rivière tumultueuse. On y dépense beaucoup d'énergie pour s'apercevoir que le geste est vain.
Les saisons-charnière comme le printemps et l'automne, sont marquées par le déclin d'un état et la renaissance d'un autre. Passer de l'hiver au printemps est souvent bien mieux vécu car il s'agit là d'une renaissance du vivant avec les fleurs, le soleil, l'énergie montante de la manifestation de Vie. On se sent comme la Belle au bois dormant éveillée par le baiser vital !
Passer de l'été à l'automne est une toute autre affaire car s'annoncent à nos êtres les jours plus courts et froids, le soleil qui manque, les paysages qui se dénudent… C'est le déclin du vivant, c'est l'annonce du grand repos et du retour en Terre. Cela rappelle étrangement la mort et nous plonge dans le désarroi de ce constat annuel : tout ce qui a vécu décline et meurt, évoquant par là même notre propre fin inéluctable… Mais voyons ce spectacle récidivant comme l'allégorie de la cyclicité. Tout ce qui vit nécessite une forme de gestation silencieuse, de temps de pause et de régénération. La nuit en est la manifestation la plus évidente et pourtant nous ne luttons pas contre elle (pour la plupart d'entre nous) et nous nous offrons à elle avec nuances allant du doux abandon au soulagement parfois. Chez nous les femmes, le cycle menstruel vécu régulièrement est également porteur d'une destruction intime et nécessaire pour faire place neuve à un éventuel possible…
Je vous invite à accueillir le changement automnal avec émerveillement pour ce qu'il nous apprend et nous rappelle : rien ne demeure tout évolue et se transforme, le changement c'est la VIE.
Au regard de cette formidable grille de lecture du vivant qu'est l'ayurveda, l'automne va nous inviter à prendre grand soin du dosha VÂTA qui gouverne les deux autres doshas et la circulation de prâna, l'énergie vitale.
Petits rappels…
L'ayurveda, science indienne du vivant plurimillénaire, repose sur plusieurs principes dont voici les 2 principaux :
L'être humain et tout ce qui constitue l’Univers sont faits des mêmes éléments : nous sommes un microcosme du macrocosme.
Le même augmente le même et l'opposé le diminue.
Les mots-clés de l'automne sont :
VENT
sÉcheresse
FROID
CHANGEMENT
AGITATION
A la fin de l'été, la sècheresse s'est installée et la chaleur a augmenté les caractéristiques du dosha PITTA (feu + eau). L'automne arrivant va à nouveau amener de la fraicheur ce qui va "réduire" pitta qui entre alors en phase de soulagement. Pendant ce temps là en fin d'été, le dosha VÂTA a commencé à s'accumuler avec l'air sec. Ses attributs sont ceux des deux éléments le constituant (l'air et l'éther) : sec, froid, rugueux, mobile, subtil, léger, clair.
En entrant dans la saison d'automne, ce qui caractérise VÂTA entre en résonance directe avec les attributs de la saison ! Le dosha va s'aggraver et provoquer certains déséquilibres.
Petit rappel des DOSHAS (constitutions ayurvédiques)
Les VIKRITIS (déséquilibres) de l'automne
VÂTA est responsable de tous les mouvements dans le corps, c'est son job ; le système nerveux et les impulsions subtiles, c'est aussi lui. On pourrait comparer vâta en automne à ces petites feuilles sèches virevoltant sans direction précise. Il n'y a pas d'humidité dans ce dosha qui est sec (et froid) par nature. En fonction de votre constitution qui peut être double, on pourra alors retrouver plus ou moins d'eau avec pitta ou encore davantage avec kapha. L'eau permet justement la lubrification de tout le corps et, particulièrement pour vâta, des nerfs. Plus le système nerveux "baigne" dans ses eaux rassurantes, plus on ressent de satisfaction, les situations sont en quelque sorte plus fluides . Une aggravation de la sècheresse, comme c'est le cas en automne, va amener une fragilité du système nerveux qui va être plus réactif et plus sensible. On peut également se sentir un peu perdu, désorienté.e et inquiet.e... Ça vous parle ?
Autres sièges du dosha vâta dans le corps : les articulations, les os, les hanches, le système auditif et son siège principal, le côlon. Froid et sècheresse automnales vont créer dans ces zones des troubles comme l'altération du mouvement (les articulations "grippent"), le transit asséché et ralenti, une sensibilité aux oreilles…
Quelques indicateurs d'un VÂTA aggravé :
- Constipation, gaz et ballonnements
- Raideurs articulaires, ça "craque"
- Inquiétude et anxiété, sensation de vide
- Sensibilité auditive
- Mémoire qui flanche, incohérences
- Sècheresse cutanée et extrémités froides
- Sommeil perturbé et réveils
- Changements anarchiques (humeur, projets, pensées, directions…)
- Gestion de l'espace-temps compliquée
VÂTA étant en quelque sorte le chef d'orchestre de tout ce qui bouge dans le corps, il "gouverne" également les deux autres doshas. Lorsque la fonction de mouvement est altérée, ce sont toutes les autres fonctions du corps qui s'en trouvent également perturbées.
En automne, on va chercher à réchauffer et lubrifier le corps et l'esprit. On apportera à vâta autant de régularité que possible pour le rassurer et on le chouchoutera comme un nouveau-né.
En cours et en fin d'automne, le dosha Kapha commence à s'accumuler, il fait de plus en plus humide et froid, les deux attributs principaux de kapha. Un autre attribut principal est l'inertie et la stabilité et ce n'est pas un hasard si cela se manifeste également en cours et fin d'automne : la Nature s'est dénudée et entre en silence et en repos… notre nature interne en fait de même. En fonction de votre constitution et la présence plus ou moins marquée de l'élément eau en vous, d'autres désagréments peuvent survenir en lien avec l'accumulation du dosha kapha : congestions, excès de mucus dans les bronches et les sinus, léthargie, rétentions… La sècheresse du début de l'automne laisse place à une plus grande humidité et fraicheur qui invitera à rentrer davantage en soi sans s'y assoupir pour autant :-)
Quelques conseils ayurvédiques pour équilibrer vâta
- Pour apaiser les incertitudes du changement, il conviendrait d'installer toutes sortes de régularités dans l'heure des repas, du lever et du coucher, la pratique corporelle et méditative…
- C'est la saison "d'une tite soupe et au lit !", tout comme celle des ponctuelles poules ;-)
- Hydrater et réchauffer le corps par l'extérieur : automassage des mains et des pieds si possible tous les jours à l'huile chaude de sésame par exemple ; automassage de tout le corps à l'huile chaude peut être une fois par semaine ou plus (des infos sur abhyanga dans cet article)
- Hydrater et réchauffer le corps par l'intérieur : tasse d'eau chaude tous les matins à jeun, éviter les boissons fraiches et manger uniquement des aliments cuits, ajouter un filet d'huile sur vos légumes cuits
- Prendre des douches (ou bains) chauds avec bougies, odeurs et musique apaisantes
- Se gratter la langue au réveil pour retirer l'excès de matière
- Se laver le nez pour dégager le mucus et déposer 1 goutte d'huile ensuite dans chaque narine
- Nourriture plus consistante (mais digeste) à base de légumes de saisons CUITS avec céréales (orge, riz basmati…)
- Un plat traditionnel indien est idéal pour la saison et peut même servir de base à une mono diète de mi-saison sur quelques jours : le kitchari (recettes innombrables disponibles sur le net : testez, adaptez et créez la vôtre)
- Les saveurs sucrées, salées et acides sont à privilégier en automne
- Utiliser les épices soutenant le système digestif : gingembre (plutôt frais car saison sèche), cannelle, fenouil, cardamone, cumin…
- Éviter autant que possible les excitants et les sucres raffinés
- Consommer les fruits en dehors des repas pour soutenir l'hydratation du corps, ou en compotes
- Chanter des sons, des mantras, faire résonner l'organe vocal sans le surmener et profiter des ses vibrations
- Profiter de la merveilleuse Nature aux couleurs changeantes pour s'abandonner dans les bras de la Terre-Mère avec confiance et accueillir le retour vers Soi…
Comme tous les ajustements, ils demandent à suivre de près vos ressentis. Faites des essais, ratez-en quelques-uns, célébrez vos petites victoires et ouvrez les écoutilles : parfois de tous petits changements opèrent de grands effets très appréciables. Ne cherchez pas à vouloir aller vite et absolument tout faire ! Lorsqu'on court, on ne voit rien, tandis qu'un pas après l'autre permet d'observer ce qui change.
Quelles pratiques de yoga en automne ?
On va principalement rechercher à
LUBRIFIER, RÉCHAUFFER ET APAISER
Calmer le corps et l'esprit, accueillir l'introspection
Et donc privilégier :
- La lenteur et la douceur
- Le souffle intériorisé et profond
- L'ancrage à la Terre
- La recherche de force et d'équilibre
- La tenue des postures plutôt que les enchainements avec trop de mouvements
- Prânâyâmas équilibrants
- Établir une relation à l'espace intérieur "habitée" et consciente
- Le travail profond du souffle avec kriyas pour favoriser la digestion
- Le maintien d'agni (feu digestif) dans son siège et le soutien d'apâna (faculté d'évacuation)
- Une relation aux éléments qui apaise et équilibre
On favorisera ainsi :
Les postures liées aux sièges de VÂTA : bassin, côlon, hanches, membres inférieurs… Elles permettront de travailler à la fois l'ancrage et l'équilibre. Attention toutefois à doser l'effort dans la pratique pour ne pas épuiser vâta, veillez à être à l'écoute des signaux du corps. En fonction de votre constitution et de l'avancement de la saison, on pourra aussi rechercher plus de force pour activer un peu kapha.
Les postures amenant à l'intériorité et permettant un relâchement profond : flexions avant, postures "restauratives", torsions couchées confortables et la Rolls Royce shavâsana… Dans toutes ces postures, respirer en ujjayi (léger frein opéré dans l'arrière gorge) permet de s'immerger en profondeur dans la pratique et de relâcher complètement le système nerveux. On peut aussi choisir de respirer en conscience en équilibrant l'inspir et l'expir.
Ne pas oublier les inversions pour déposer le mental avec respirations abdominales pour masser la sphère digestive.
Les prânâyâmas qui vont vers l'équilibre et la profondeur.
Sans oublier quelques respirations nettoyantes pour stimuler l'élimination et la recharge d'énergie: kapalabhati, bhastrika, rétractation de l'abdomen (uddiyana bandha), rétentions après expir pour se déposer dans le silence, rétentions après inspirs pour s'ouvrir et accueillir prâna…
Pratiloma ujjayi est idéal car très équilibrant et apaisant !
Voici le descriptif d'un cycle complet à répéter 9 fois :
- Inspir par la narine gauche (sans ujjayi)
- Expir au centre par les deux narines en ujjayi
- Inspir au centre par les deux narines en ujjayi
- Expir par la narine droite (sans ujjayi)
- Inspir par la narine droite (sans ujjayi)
- Expir au centre par les deux narines en ujjayi
- Inspir au centre par les deux narines en ujjayi
- Expir par la narine gauche (sans ujjayi)
Les visualisations apaisantes et ressourçantes, les yoga nidra chaleureux et réconfortants…
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