Les jours rallongent, la lumière revient, la Nature s'éveille… Le chant des oiseaux se fait plus gai, ils s'affairent patiemment à la bricole, brindille après brindille. Notre énergie se modifie et tout semble vouloir croître aussi bien dehors que dedans.
Matin de printemps -
Mon ombre aussi
Déborde de vie !
Haïku japonais de Kobayashi Issa
Une saison de transition "entre deux eaux"…
Lorsqu'arrive avril, le début du printemps nous gratifie parfois de quelques belles journées en guise de prélude. S'ensuivent souvent des retours frileux où nous devons alors ressortir la doudoune en bougonnant. Certains printemps sont très pluvieux (les fameuses "giboulées de mars") et selon la température extérieure, se sont seaux d'eaux, brassées de grêlons ou encore gros flocons qui s'abattent subitement et laissent place le quart d'heure suivant à un beau soleil. La saison est instable et semble faire ses gammes.
Malgré tout, les branches bourgeonnent et les premières fleurs printanières nous enchantent. Nous sentons également ce renouveau et un appel au neuf peut se manifester en nous également (émergence de projets, envie de rangement et de grands nettoyages…)
L'ayurveda, science indienne du vivant plurimillénaire, repose sur plusieurs principes dont voici les 2 principaux :
L'être humain et tout ce qui constitue l’Univers sont faits des mêmes éléments : nous sommes un microcosme du macrocosme.
Le même augmente le même et l'opposé le diminue.
Les mots-clés du printemps sont :
douceur
humide
LUMIèRE
Réveil
nettoyage
N'étant aucunement coupé du monde extérieur, nous allons ressentir les effets des changements s'opérant dans la Nature et selon notre constitution, subir ou être soutenus par cette danse des éléments.
Ainsi selon l'ayurveda, si j'ai beaucoup d'eau dans ma constitution (kapha dosha), le printemps augmentera cette humidité en moi. Elle va "se cumuler" avec l'humidité et la fraicheur emmagasinée durant tout l'hiver.
Si j'ai beaucoup d'air (vata dosha), la nature incertaine et changeante de l'intersaison m'affectera certainement d'une manière ou d'une autre. Je peux me sentir porté.e par l'enthousiasme et les projets à créer mais également un peu perdu.e dans cette énergie de va et vient.
Les personnes chez qui le feu est prédominant (pitta dosha), n'auront pas encore trop d'aggravation de leur dosha mais le printemps marque le début de la montée de chaleur jusqu'en été.
Petit rappel des DOSHAS (constitutions ayurvédiques)
Les VIKRITIS (déséquilibres) du printemps
Tous les doshas sont mouvants, tous les éléments et leurs qualités changent d'un instant à l'autre et rien n'est figé dans la Nature. Les saisons selon leurs caractéristiques prédominantes ont une influence sur les doshas. Leur évolution obéit à un rythme cyclique en trois temps :
- l'accumulation ou la montée du dosha
- l'aggravation du dosha, son point culminant
- la diminution ou l'apaisement du dosha
Au printemps, c'est le dosha KAPHA qui est aggravé. L'hiver a laissé l'eau et la matière s'accumuler, stagner. Au fur et à mesure que la chaleur se manifeste dans la saison, cette eau et ces excès de matière vont se disperser à nouveau dans le corps et cela affaiblit le feu digestif (agni) et la vitalité, surtout en début de saison.
Quelques indicateurs d'un KAPHA aggravé :
- Lourdeur (corps et esprit)
- Petit appétit et peu de soif
- Encombrement des voies respiratoires et sphère ORL (excès de mucus, toux grasses)
- Congestion et nausées
- Apathie et manque d'entrain
- Attachement et avidité
- Oisiveté et déprime
- Paresse et lenteur intestinale, agni (feu digestif) faible
On peut aussi voir au printemps des sinus bouchés ou infectés, des "rhumes des foins" et autres allergies, des toux et angines, des troubles digestifs, des calculs ou kystes.... Selon la nature que nous avons, notre âge, notre situation, profession et le(s) dosha(s) qui prédomine(nt) dans notre constitution d'origine, cet excès de kapha va être plus ou moins marqué.
Au printemps, il va donc être important de stimuler le métabolisme et les éliminations, d'alimenter le corps en prâna (énergie vitale) et d'aider le dosha kapha à se rééquilibrer.
Il retrouvera sa fonction de soutien et servira de socle à l'élaboration de vos projets printaniers et estivaux !
En cours et en fin de printemps, c'est le dosha PITTA (feu + eau) qui va commencer à s'accumuler, prenez garde aux coups de chaud si vous avez déjà beaucoup de feu dans votre constitution. Si c'est le cas, le printemps va être l'occasion pour vous de préparer le terrain avant l'été où pitta est exacerbé : prenez du temps et de la distance dans vos initiatives, travaillez l'indulgence et ne cherchez pas à performer partout…
Quelques conseils ayurvédiques pour équilibrer kapha
- Rythmer vos journées et y amener de l'activité physique journalière
- Travailler le corps en renforcement, endurance et dynamisme
- Aller jusqu'à se faire transpirer surtout si vous avez déjà du kapha dans votre constitution
- Se lever tôt (7h idéal) et éviter les siestes qui augmentent kapha
- Se gratter la langue au réveil pour retirer l'excès de matière
- Verre d'eau chaude à jeun le matin
- Se laver le nez pour dégager le mucus et déposer 1 goutte d'huile ensuite dans chaque narine
- Selon la sensibilité (notamment si vous avez beaucoup de vata), se brosser le corps à sec avec un gant de crins ou une brosse de massage
- Se masser le corps à l'huile de sésame (à température ++) 1x par semaine pour drainer
- Malgré le retour progressif de la chaleur, continuer de manger et boire chaud
- Nourriture légère à base de légumes de saisons CUITS avec céréales (orge, millet, maïs, sarrasin, riz basmati…)
- Les saveurs amères, astringentes et piquantes vont aider à stimuler agni et à "gratter", accompagner la matière, enlever le "collant" et le "dense" de nos humeurs internes (légumes tels que endives, épinards, choux, asperges... )
- Éviter autant que possible le sucré, le trop salé et les produits laitiers (augmentent le mucus)
- Utiliser les plantes et épices échauffantes et stimulantes (gingembre +++, poivre ++, cannelle, cardamone, clou de girofle), échauffantes et asséchantes (si temps humide et pas trop de vata ! Cumin, graines de moutarde, fenugrec, thym, romarin, origan)
- Boissons à température ou chaudes épicées et stimulantes
Comme tous les ajustements, ils demandent à suivre de près vos ressentis. Faites des essais, ratez-en quelques-uns, célébrez vos petites victoires et ouvrez les écoutilles : parfois de tous petits changements opèrent de grands effets très appréciables. Ne cherchez pas à vouloir aller vite et absolument tout faire ! Lorsqu'on court, on ne voit rien, tandis qu'un pas après l'autre permet d'observer ce qui change.
Pour aider à l'évacuation des toxines et les excès de kapha, je me prépare ce type d'infusion pour 1L d'eau bouillante :
- gingembre frais (2 tranches à l'économe)
- fenouil en poudre ou en graines (1/2 à 1 cuillère à café)
- cumin en poudre (1/2 cuillère à café)
- cannelle (1/2 cuillère à café)
Parfois selon l'humeur et l'envie, j'ajoute le jus d'un demi citron, et du sirop d'agave...
Pour stimuler le feu digestif, on peut saler une tranche de gingembre frais (taille d'un ongle environ) et le mâcher. Cela produit de la salive, allume le feu et ouvre l'appétit !
Quelles pratiques de yoga au printemps ?
On va principalement rechercher à
ÉNERGISER, DYNAMISER ET ÉQUILIBRER
Redonner du ressort à l'ensemble de l'être
Et donc rechercher dans les pratiques :
- La stimulation du corps et de l'esprit
- Le renforcement par la mobilisation musculaire en isométrie (tenue en statique des postures)
- Le rythme et le dynamisme avec des salutations et enchainements plus soutenus qu'en hiver
- Prânâyâmas avec rétentions après inspir et après expir
- L'ouverture des espaces du corps et notamment les épaules et la cage thoracique
- La stimulation d'agni (le feu digestif) et apâna (faculté d'évacuation)
On favorisera ainsi :
Les postures "d'ouverture" thoracique et celles qui permettent de déployer la poitrine et la gorge.
Les enchainements tonifiants et énergisants tels que Sûrya Namaskâr, la salutation au Soleil.
Les postures dans lesquelles rester en statique qui vont renforcer et tonifier le corps.
Les inversions pour décongestionner et alléger les jambes, pour libérer un peu les viscères et la sphère abdominale de la lourdeur.
Quelques torsions pour stimuler la digestion.
Les prânâyâmas énergisants (pléonasme !) :
Écrire commentaire
Jicé (mardi, 16 janvier 2024 15:31)
Bonjour, merci pour ces infos.. j’ai lu les 4 articles sur les 4 saisons. Très intéressants.
À quelle saison diriez-vous que le feu digestif (Agni) est le plus fort ? Et le plus faible ?
Merci
Dorothée (mardi, 16 janvier 2024 16:47)
Bonjour JC,
pendant longtemps j'ai cru et compris que pendant l'été, le soleil extérieur étant au plus fort de son activité, notre soleil intérieur prenait aussi les mêmes caractéristiques et était au plus fort. Cependant, ayant entendu lors d'autres formations que c'était en hiver que le feu digestif était "le plus efficace", cela m'a interpelée… En cherchant plus loin, il s'avère qu'en hiver, l'énergie samâna ramène l'énergie au centre, la force centripète génère et entretient notre foyer intérieur pendant la saison froide. C'est pour cela que nous avons souvent plus d'appétit en hiver. L'été, notre énergie est de "couleur" vyâna c'est à dire plus tournée vers l'extérieur, le mouvement. la chaleur est ressentie (parfois très fort) dans tout le corps, nous avons aussi moins faim en été.
Et c'est au final cette observation intérieure qui va primer : ai-je de l'appétit, est ce que je ressens un faim physiologique m'appeler aux repas, est ce que le digestion est aisée et efficace ? si oui, AGNI est bel et bien présent. Et pour ma part, c'est plutôt en hiver :-) Chaque corps étant différent, vos ressentis diffèrent peut être, et ce sont bien eux qui donnent la juste réponse, pour vous.
Merci pour votre lecture et votre message :-)
Dorothée